dimanche 29 novembre 2009

L’art des apparences



Humbug by Arctic Monkeys
En sortant ce troisième album, les Arctic Monkeys ne viennent pas seulement d’offrir à leur public leur meilleur album, mais ils viennent de signer leur passeport pour la longévité.
De toute façon les choses ne pouvaient s’annoncer dans la continuité. L’expérience du side project d’Alex Turner – The Last Shadow Puppets – transformée rapidement en objet hype très sixties (et pour cause les arrangements de cordes plus que classieux !) semble avoir donner de nouvelles ambitions au groupe. En témoigne à la production Josh Homme (Queens Of The Stone Age et déjà présent sur le précédent) qui durcît la brit rock sautillante – mais non moins efficace – de nos valeureux gosses de Sheffield. Sans oublier James Ford, le sorcier du son des Klaxons et de… Last Shadow Puppets.
Ce qui frappe ici et avant de rentrer dans le détail par le menu, c’est le son : lourd, puissant, soupirant, prenant et d’une grande précision selon les effets désirés par les chansons. La musique et les ambiances diffèrent allégrement entre l’ouverture très ledzeppelinienne de My Propeller et le beau Secret Door très influencé par le Burt Bacharach des grands jours. On l’aura compris, cette double casquette à la réalisation est une clé primordiale pour entrer dans un album moins brut qu’il n’y paraît, rempli d’une fausse évidence salutaire
Whatever People Say I Am, That's What I'm Not s’affirmait il y a quatre ans déjà comme le formidable antidote à la folie insipide de Franz Ferdinand (d’ailleurs qu’en reste t-il aujourd’hui?) avec ses formidables mélodies à l’emporte pièce. Tandis que Favourite Worst Nightmare confirmait tous les espoirs qu’on avait placés en eux sans compter l’incandescence scénique. Toutefois et avec le recul, ce deuxième album aurait pu enfermer les Arctic Monkeys dans un style pop-rock de qualité mais manquant d’un je ne sais quoi pour transcender le tout : il apparaissait ici et là quelques signes de faiblesses dans les mélodies heureusement sauvées par le talent précoce d’Alex Turner. Sa spécificité ? L’écriture.
Turner se fait le spécialiste de chroniques à la petite semaine d’une Angleterre prolétarienne qu’il défend bec et ongles et met en image par l’originalité de son accent So British. Un constat social doux amer, cynique et désespéré émerge de ces chansons qui dépassent ainsi le simple impact mélodique du départ. De ce point de vue, Humbug ne change pas la donne puisque l’on y parle toujours du quotidien, versant réaliste mais non sans un dénuement plus intime et mature (l’incontournable Secret Door).
Humbug qui s’affirme littéralement en escroquerie puisque là où on ne l’attend pas déboule ses dix plages d’un seul trait : plus fort et plus vite tel semble être le slogan à la première écoute. Pourtant dès la deuxième on ne voit pas les choses de la même manière devant la matière hybride de l’ensemble entre fougue d’hier (ah ces guitares très sixties !) et d’aujourd’hui (la jeunesse tout simplement !).
Reprenons depuis le début où presque : après l’intro puissante décrite plus haut, Crying Lightning joue sur les brisures rythmiques avec un leitmotiv de guitare en slide chorus repris en chœur, que poursuit Dangerous Animals en riffs pour le moins martiaux. La parenthèse Secret Door arrive à point nommé, mais rien ne sert de décrire l’indescriptible (écoutez tout simplement et fermez les yeux). Potion Approaching plus proche des débuts tresse néanmoins un tissu de voix fantômatiques en arrière-plan tout à fait intéressant, confirmé par le contrasté et très expérimental (dans sa structure) Fire & The Thud. Cornerstone s’invente en ballade acoustique où Turner laisse partir sa voix dans des médiums apaisants. Dance Little Liar regarde par l’arrière quand Pretty Visitors propose une synthèse des influences marquées depuis le début, orgue vintage de rigueur et guitare tout en puissance à l’unisson.
La fermeture The Jeweller's Hands laisse les musiciens s’exprimer en chœur dans un refrain entêtant qui donne une seule envie une fois la chanson terminée : appuyer sur le bouton Play sachant qu’il faudra recommencer l’opération au bout de quarante petites minutes. Aux dernières nouvelles le groupe continue son périple sur les planches d’une tournée déjà annoncée en succès. Avant que notre cher Alex Turner retrouve son compère Miles Kane pour donner suite aux chimères pop orchestrales de nos marionnettes adorées.

Benjamin Léon

Ecoutez l'album Humbug sur Deezer
Page MySpace du groupe

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